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Déni de grossesse

Déni de grossesse

Le déni de grossesse est un phénomène méconnu qui concernerait, selon l’Asso­ciation française pour la reconnaissance du déni de grossesse (AFRDG), entre 600 et 1 800 femmes par an en France

Le déni de grossesse, c’est quoi ?

Parfois considéré comme un mythe par le monde médical, il s’agit néanmoins d’une réalité clinique, caractérisée par une grossesse évolutive sans que la femme ne soit consciente d’être enceinte, associée à une réduction des signes de grossesse, comme l’aménorrhée, le gonflement abdominal, la tension mammaire, les nausées matinales ou encore la perception maternelle des mouvements fœtaux.

Les différents types de déni

On distingue deux types de déni selon la date de sa levée : le « déni partiel » lorsque la femme prend conscience de sa grossesse avant l’accouchement et le « déni complet » lorsque la grossesse est découverte au moment de l’accouchement.

Plus rares que les formes partielles, les dénis complets sont particulièrement à risque pour la santé maternelle, fœtale et néonatale du fait de l’absence de suivi obstétrical et de préparation à la parentalité avant l’accouchement.

Les caractéristiques du déni de grossesse

Le déni de grossesse typique est caractérisé par l’absence des signes de grossesse.

Malgré la croissance fœtale et les remaniements hormonaux, la mère ne présente pas de gonflement abdominal et ne perçoit pas les mouvements du fœtus. La prise de poids est généralement minime, entre 3 à 6 kg pendant la grossesse. Certaines mères continuent de prendre leurs contraceptifs oraux, et de « fausses règles » persistent souvent, sous la forme de saignements mensuels réguliers ou de « spottings » irréguliers chez des femmes ayant eu préalablement des cycles discontinus.

Les signes physiques qui pourraient évoquer une grossesse sont généralement interprétés par la mère comme provoqués par d’autres causes (digestives, infectieuses, psychologiques).

La grossesse passe également inaperçue auprès du conjoint et de la famille. 

Enfin, certains couples rapportent avoir eu des rapports sexuels quelques heures avant l’accouchement sans que le partenaire ne suspecte une grossesse.

La “levée du déni”

La « levée du déni » désigne la prise de conscience de la grossesse par la mère. Elle survient généralement entre le 2e et le 3e trimestre pour les dénis partiels, au cours d’examens médicaux prescrits pour explorer une douleur lombaire, des règles irrégulières ou une fatigue par exemple. Aussitôt après la découverte de la grossesse, des signes de grossesse apparaissent : pour les mères qui avaient un ventre plat, l’abdomen se distend et se gonfle rapidement, prenant la forme physiologique d’une grossesse évolutive.

La levée du déni provoque généralement un état de stress aigu, avec stupeur et incompréhension, parfois accompagné de troubles psychiques (la patiente oublie tout ce qui s’est passé pendant l’accouchement, et a parfois même l’impression que c’est une autre femme qui a accouché du nourrisson).

Après l’accouchement, la honte et la culpabilité maternelles sont fréquentes, avec la peur d’avoir pu mettre en danger le fœtus par la consommation d’alcool, de tabac ou de médicaments.

La levée du déni constitue ainsi la période cruciale pour la prise en charge médicale et psychologique.

La majorité des dénis de grossesse surviennent chez des femmes sans antécédents.

La dissimulation de grossesse

Il est primordial de différencier déni de grossesse et « dissimulation de grossesse », qui constituent deux entités bien distinctes. Dans le déni de grossesse, la femme ignore qu’elle est enceinte jusqu’à la levée du déni, tandis que dans la dissimulation de grossesse, la femme est consciente de la grossesse mais la dissimule à son entourage.

Ces deux entités cliniques n’ont pas les mêmes déterminants physiologiques et psychologiques, et n’entraînent pas les mêmes conséquences pour la mère et l’enfant.

Facteurs de risque du déni de grossesse

Il n’existe pas, à ce jour, de facteurs de risque spécifiques au déni de grossesse.

Contrairement aux préjugés, le déni de grossesse peut ainsi concerner tous les âges (de la puberté à la ménopause) et tous les niveaux socioprofessionnels.

Il n’est pas nécessairement associé à des antécédents psychiatriques et peut survenir en l’absence d’événements aigus comme une séparation conjugale ou un conflit professionnel. Le déni de grossesse survient dans des contextes variés, ce qui complique la prise en charge et n’aide pas à la prévention de ce phénomène.

Cependant, des études suggèrent que certains facteurs favorisent le risque : la primiparité, un âge inférieur à 20 ans ou supérieur à 40 ans, le surpoids et l’obésité, des cycles menstruels irréguliers, une situation de précarité ou d’instabilité sociale, un suivi médical irrégulier, un antécédent familial de déni de grossesse, la découverte tardive d’une précédente grossesse, ou encore l’isolement social, affectif et conjugal. De la même manière, les antécédents traumatiques d’abus physiques ou de violence sexuelle pourraient constituer des facteurs de risque.

Ces données épidémiologiques sont encore insuffisantes, et des recherches sur des bases de données internationales plus conséquentes sont nécessaires pour permettre d’affiner la compréhension de ces facteurs de risque.

Le déni de grossesse est associé à une altération de la santé maternelle et fœtale, tant physique que mentale.

Les conséquences d’un déni de grossesse

Du fait de l’absence de suivi médical, il aggrave en effet les conséquences de pathologies obstétricales telles que la prééclampsie, l’éclampsie ou l’hémorragie de la délivrance, et favorise les situations de prématurité, de petit poids de naissance, ou de mort fœtale intra-utérine.

Les dénis complets exposent par ailleurs les patientes et leur nouveau-né aux risques d’un accouchement dans l’urgence au domicile ou dans des lieux isolés.

Le déni de grossesse peut également être associé à des troubles des inter­actions mère-enfant après la naissance du fait de l’absence de préparation.

Du fait de ces conséquences psychologiques sur la mère, un travail du lien mère-bébé et un soutien à la parentalité sont souvent précieux dans le post-partum.

Prise en charge du déni de grossesse

La prise en charge spécifique du déni de grossesse débute au moment de la levée du déni, survenant le plus souvent après la réalisation d’une échographie à la suite d’un test de grossesse urinaire ou sanguin positif. La levée du déni et la médicalisation de la grossesse constituent le pivot de la prise en charge. Il existe un risque non négligeable de rupture du suivi après la levée du déni. La visualisation du fœtus à l’échographie est un moment important pour les mères découvrant leur grossesse, participant au processus de réalité de la grossesse. 

Après les premiers examens, un suivi impliquant les équipes obstétricale, pédiatrique, le médecin traitant ainsi qu’un suivi psychologique sont souhaitables. Lorsque c’est possible, l’accompagnement par un psychologue spécialiste de la périnatalité est bénéfique pour favoriser l’adaptation à la parentalité et préparer le post-partum.

Après l’accouchement, un séjour long dans le service de suite de couches est recommandé. Un suivi psychiatrique peut être nécessaire en anténatal ou dans le post-partum, notamment lorsque le déni est associé à une symptomatologie psychiatrique aiguë ou lorsqu’il provoque des conséquences sévères sur la mère et le nourrisson.

Le déni de grossesse est un phénomène méconnu pour lequel les hypothèses psychopathologiques et les modalités de prise en charge ne font pas consensus. L’absence de facteurs de risque spécifiques identifiés limite la possibilité de mettre en place des stratégies de prévention. Les représentations erronées du déni de grossesse, ainsi que le manque de formation du personnel médical à son dépistage, participent aux difficultés de prévention primaire et secondaire. Pourtant, les conséquences maternelles, fœtales et néonatales du déni de grossesse peuvent s’avérer dramatiques, et doivent être prévenues. Des recherches futures en neurosciences périnatales sur le rôle de l’intéroception dans le déni de grossesse pourraient permettre de mieux comprendre les mécanismes physiologiques impliqués, et d’améliorer sa prévention, son dépistage, et sa prise en charge.

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