Tout savoir sur la pré-éclampsie
Qu’est-ce que la pré-éclampsie ?
La pré-éclampsie est une maladie de la grossesse résultant d’un dysfonctionnement du placenta qui associe :
- une élévation de la pression artérielle ou hypertension artérielle, supérieure à 140 mmHg et/ou 90 mmHg survenant après la 20ème semaine d’aménorrhée (milieu du second trimestre), mesurée à deux reprises.
- et la présence de protéines dans les urines à une concentration supérieure à 0,3 g/24 h dans les urines, alors que celles-ci n’en contiennent normalement pas. C’est la protéinurie.
De nombreux facteurs de risque sont en cause.
La maladie peut également survenir plus tardivement, peu de temps avant l’accouchement ou parfois même après, en postpartum.
Responsable d’un tiers des naissances de grands prématurés en France, ce syndrome est une cause majeure de retard de croissance intra‐utérin. Il reste aussi la deuxième cause de décès maternels en France (environ 20 décès par an), après les hémorragies de la délivrance et touche environ 40 000 femmes par an en France.
Environ 5% des grossesses s’accompagnent de pré-éclampsie. Dans la plupart des cas, un suivi permet d’éviter les complications graves. Mais dans 1 cas sur 10, une forme sévère survient. La seule façon de sauver la mère est alors d’extraire le fœtus et son placenta, que le fœtus soit déjà viable ou non.
La pré-éclampsie survient dans 70 à 75% des cas lors d’une première grossesse. Néanmoins, il n’est pas exclu de présenter ce syndrome au cours d’une grossesse ultérieure, notamment en cas de changement de partenaire. La réduction du risque de pré-éclampsie lors d’une deuxième grossesse et des grossesses suivantes, lorsqu’elles impliquent le même partenaire, serait liée à une adaptation immunologique de la mère aux antigènes du père. Cette plus grande tolérance permettrait une meilleure implantation du placenta, une structure d’origine fœtale portant donc des antigènes paternels.
Les facteurs de risque
Plusieurs facteurs de risque de pré-éclampsie ont été identifiés :
- un antécédent de pré-éclampsie
- une grossesse multiple
- une première grossesse (nulliparité)
- une hypertension chronique, une pathologie rénale ou encore un diabète
- une obésité (IMC supérieure à 30)
- être âgée de plus de 40 ans ou de moins de 18 ans,
- des antécédents familiaux de pré-éclampsie (mère, grand-mère…)
- un syndrome des ovaires polykystiques,
- une maladie auto-immune
- un changement de partenaire sexuel ou une insuffisance à l’exposition du sperme de son partenaire (port prolongé du préservatif)
Les symptômes de la pré-éclampsie
L’hypertension artérielle et la protéinurie peuvent s’accompagner de divers symptômes comme :
- des maux de tête (céphalées) violents,
- des troubles visuels (hypersensibilité à la lumière, « mouches », tâches ou brillances devant les yeux),
- des acouphènes,
- des douleurs abdominales, des vomissements
- ou encore la diminution ou l’arrêt des urines.
- Des œdèmes massifs peuvent apparaître et s’accompagner d’une prise de poids brutale (plusieurs kilos en quelques jours).
Après l’apparition des premiers symptômes, la pré-éclampsie peut évoluer rapidement et nécessite une prise en charge. Elle peut entraîner des complications graves dans 10% des cas et met alors en jeu, à court terme, le pronostic vital de la mère et de son fœtus.
Sévérité de la pré-éclampsie
La pré-éclampsie est sévère si l’un des éléments suivants est présent :
- la tension artérielle est sévère (pression systolique égale ou supérieure à 160 mmHg et/ou pression diastolique égale ou supérieure à 110 mmHg) ou Hypertension artérielle non contrôlée par le traitement ;
- la fonction des reins est altérée : protéinurie supérieure à 3g par 24 heures ou diminution du volume des urines ou augmentation de la créatinine sanguine ;
- une augmentation sanguine des enzymes hépatiques fabriquées par le foie ;
- une diminution des plaquettes sanguines (cellules qui participent à la coagulation du sang) ;
- une douleur abdominale épigastrique « en barre » persistante ou intense ;
- une douleur thoracique, un essoufflement, un œdème aigu du poumon (accumulation de liquide dans le tissu des poumons) ;
- des céphalées (maux de tête) sévères ne répondant pas au traitement, des troubles visuels (phosphènes) ou auditifs persistants (acouphènes).
Complications
Dans la plupart des cas de pré-éclampsie, les patientes accouchent d’un bébé en bonne santé et se rétablissent rapidement. Cependant, si ce syndrome n’est pas traité, il entraîne de nombreuses complications :
- l’éclampsie : il s’agit de crises convulsives, potentiellement fatales, provoquées par une hypertension artérielle intracrânienne chez la mère
- l’hémorragie cérébrale qui est la cause principale de décès des mères
- l’insuffisance rénale chez la mère
- un décollement placentaire qui provoque une hémorragie interne là où il était fixé. Cet accident nécessite un accouchement en urgence
- le syndrome HELLP, caractérisé par une augmentation de la destruction des globules rouges dans le foie (hémolyse), une élévation des enzymes hépatiques liée à une inflammation du foie, ainsi qu’une diminution du nombre des plaquettes sanguines qui entraîne un risque accru d’hémorragie.
Evolution de notre compréhension
Depuis une dizaine d’années, les causes de la pré-éclampsie sont mieux comprises : l’origine de la maladie est un dysfonctionnement du placenta. Celui-ci se développe apparemment normalement pendant le premier trimestre de la grossesse. Mais par la suite, il n’est pas d’une « efficacité optimale ». Cela pose problème lors de la deuxième partie de la grossesse, période au cours de laquelle la croissance fœtale, et en particulier celle du cerveau du futur bébé, nécessite un flux sanguin considérable (environ 1 litre/minute en fin de grossesse) : le placenta imparfait permet la poursuite de la grossesse, mais une libération accrue de débris placentaires et de cellules fœtales dans le sang maternel est observée.
Les conséquences sont nombreuses : flux continu anormal de sang entre la mère et l’enfant, coagulation anormale du sang de la mère, production de molécules inflammatoires chez la mère, ou encore problème de tolérance immunologique au fœtus. Il est vraisemblable que les débris d’origine placentaire entraînent une augmentation de la production de molécules qui agissent sur les vaisseaux sanguins maternels, induisant une augmentation de la pression artérielle de la mère.
Une prise en charge à l’hôpital
La prise en charge d’une pré-éclampsie nécessite une hospitalisation qui permettra un suivi extrêmement régulier de la future maman.
Ce suivi inclut l’évaluation de la gravité de la pré-éclampsie pour la mère : sa tension artérielle est-elle ou non contrôlable par des hypotenseurs, présente-t-elle des signes autres de la maladie, ses fonctions vitales (pouls, respiration, diurèse, conscience) sont-elles altérées ?
Ce suivi permet en outre de mesurer le retentissement de la maladie sur le fœtus (via l’évaluation de ses mouvements actifs, son activité cardiaque, de la hauteur utérine…). Les médecins vont également régulièrement évaluer les mesures à mettre en œuvre s’il devient nécessaire d’extraire le fœtus et son placenta en urgence, par césarienne ou en déclenchant le travail (selon l’âge gestationnel, la présentation fœtale…).
En cas de mauvais pronostic, le seul moyen de protéger la mère est en effet de mettre un terme à la grossesse. L’enjeu de la prise en charge consiste donc à prolonger la grossesse le plus longtemps possible, afin de libérer l’enfant à une période acceptable de son développement.
Prévenir la maladie
Des travaux récents ont porté sur l’effet préventif de l’aspirine. Une étude publiée en 2010 avait montré que cette molécule réduit par 2 à 4 le risque de pré-éclampsie, à condition de débuter son administration avant 16 semaines de grossesse. Une seconde étude vient de confirmer cet effet préventif.
La découverte de marqueurs précoces est un enjeu fondamental pour pouvoir utiliser un traitement préventif par l’aspirine : il est en effet inenvisageable d’administrer systématiquement ce médicament à toutes les femmes enceintes et, actuellement, les médecins disposent de marqueurs détectables à partir de 20 semaines de grossesse, avant l’apparition des symptômes mais trop tard pour une administration précoce d’aspirine.